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Blagues sexistes en entreprise : tolérance 0...même en ambiance détendue !

  • Photo du rédacteur: SASD
    SASD
  • 19 sept.
  • 3 min de lecture
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Par un arrêt du 4 juin 2025 (pourvoi n°23-19.722), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi d’un salarié licencié pour avoir envoyé des courriels à connotation sexiste et pornographique à ses collègues féminines. Malgré une culture d’entreprise tolérante à ces pratiques, voire complice à travers le comportement du supérieur hiérarchique, la Cour confirme que les atteintes à la dignité n’ont pas leur place dans le monde du travail. Le contexte collectif n’exonère pas la responsabilité individuelle.


Les faits


Un salarié est embauché en 2016 comme animateur emploi formation par une société. En 2018, il est licencié pour cause réelle et sérieuse après avoir envoyé à deux salariées des messages électroniques comportant des blagues sexistes et des photographies pornographiques via sa messagerie professionnelle.


Le salarié conteste son licenciement devant la juridiction prud’homale, invoquant d’une part la prescription des faits (l’un de ses supérieurs en ayant eu connaissance plusieurs mois avant l’engagement de la procédure), d’autre part une culture d’équipe tolérant ce type de blagues, portée notamment par ce même supérieur hiérarchique.


La procédure


La Cour d’appel de Montpellier, par un arrêt du 14 juin 2023, déboute le salarié de toutes ses demandes. Elle considère que :


  • le délai de deux mois pour engager une sanction disciplinaire n’était pas expiré, puisque l’employeur n’avait eu connaissance des faits que le 18 septembre 2018, date de la dénonciation par la salariée victime ;

  • le comportement du supérieur hiérarchique, bien que répréhensible, ne permettait pas de considérer qu’il représentait “l’employeur” au sens juridique du terme, en raison de son implication personnelle dans des actes similaires.


Le salarié forme alors un pourvoi en cassation.


La décision de la Cour de cassation


L’employeur peut-il engager une procédure disciplinaire plus de deux mois après les faits dès lors que le supérieur hiérarchique – impliqué dans des faits similaires – les connaissait mais ne les avait pas signalés ? Et le salarié peut-il invoquer une pratique généralisée de l’humour sexiste dans l’équipe pour échapper à un licenciement ?


La Cour de cassation rejette le pourvoi.


Sur la prescription disciplinaire, elle valide le raisonnement de la Cour d’appel, qui considère que le supérieur hiérarchique du salarié, bien qu’informé des faits, n’agissait pas au nom de l’employeur, étant lui-même à l’origine d’agissements similaires et ayant donc intérêt à dissimuler les faits. L’employeur n’a donc véritablement eu connaissance des faits qu'à la date de la dénonciation par une salariée, ce qui rend la procédure disciplinaire régulière (car les faits n'étaient pas prescrits - moins de 2 mois).


Sur le fond, la Cour valide également l’appréciation selon laquelle l’envoi de courriels sexistes constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, indépendamment du climat “habituellement tolérant” au sein de l’équipe. Elle rappelle qu’un salarié est tenu, même en cas d’ambiance décontractée, de respecter les règles de dignité posées dans le règlement intérieur.


Cette décision vient poser une limite claire à une dérive trop fréquente : celle qui consiste à relativiser des propos ou des gestes sexistes au nom d’une “culture de groupe”. Ici, le salarié invoquait une ambiance de travail relâchée, des pratiques partagées par toute l’équipe, et même l’implication directe de son supérieur hiérarchique. Argument balayé par la Cour.


Ce qui est déterminant, ce ne sont ni les habitudes ni l’impunité passée, mais l’atteinte objective à la dignité des collègues. Dès lors qu’un salarié utilise les outils professionnels pour envoyer des messages à caractère sexiste, il engage sa responsabilité, même si tout le monde “faisait pareil”.


La décision est également importante sur le terrain de la prescription disciplinaire. Le Code du travail impose un délai de deux mois à l’employeur pour sanctionner un fait fautif. Mais qui est “l’employeur” ? Le salarié affirmait que son supérieur était informé des faits dès mars 2018, ce qui aurait rendu la procédure prescrite.


La Cour refuse cette lecture. Elle distingue entre l’autorité hiérarchique et l’organe titulaire du pouvoir disciplinaire. Un supérieur qui tait les faits fautifs, parce qu’il y participe, n’est pas assimilable à l’employeur au sens de l’article L. 1332-4. Une interprétation protectrice, qui empêche l’impunité dans les cas de climat délétère ou de petites équipes où les chefs de proximité se couvrent mutuellement.


Cet arrêt donne des arguments solides aux représentants du personnel et aux référents harcèlement dans les entreprises. Il rappelle que les outils professionnels ne doivent jamais être détournés pour relayer des contenus sexistes ou pornographiques, même si cela “fait rire tout le monde”.


L’ambiance ne justifie pas tout. Et surtout, elle ne protège pas de la sanction. La dignité des personnes est une limite infranchissable, et le droit du travail en est le garant.

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