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Congés payés et heures sup’ : La Cour de cassation fait sa révolution sociale !

  • Photo du rédacteur: SASD
    SASD
  • 17 sept.
  • 3 min de lecture
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Dans un arrêt majeur rendu le 10 septembre 2025 (pourvoi n° 23-14.455), la Cour de cassation balaie d’un revers de robe une pratique injuste, pourtant largement tolérée en droit français jusqu’ici : exclure les jours de congés payés du calcul des heures supplémentaires. 


C’est une petite révolution — et une avancée précieuse pour des milliers de salariés en forfait hebdomadaire, souvent invisibilisés dans les décomptes de la durée du travail.


Cette décision est une nouvelle démonstration éclatante de l'effet direct du droit de l’Union européenne et de la primauté des droits fondamentaux des travailleurs, notamment leur droit au repos effectif et à une protection équitable contre les abus patronaux.


Les faits


Trois ingénieurs salariés de la société Altran Technologies étaient soumis à un forfait horaire hebdomadaire de 38h30, prévu par l’accord collectif Syntec. Contestant ce régime, ils ont saisi le Conseil de prud’hommes pour réclamer le paiement d’heures supplémentaires, en considérant qu’ils avaient régulièrement dépassé la durée hebdomadaire légale.


Le litige portait essentiellement sur le calcul des heures supplémentaires lorsque la semaine de travail avait été partiellement couverte par des congés payés.


Rappel de la procédure


La Cour d’appel de Versailles leur donne partiellement raison, mais suit l’argumentaire de l’employeur pour minorer les rappels de salaire, en excluant des calculs les semaines incomplètes en raison des congés.


Les salariés se pourvoient donc en cassation, soutenus dans leur combat par des principes fondamentaux du droit européen — et ils obtiennent gain de cause.


La décision de la Cour de cassation


La chambre sociale, siégeant en formation plénière, écarte partiellement l’application de l’article L. 3121-28 du Code du travail en raison de son incompatibilité avec le droit de l’Union, notamment :

  • L’article 7, §1 de la directive 2003/88/CE, et

  • L’article 31, §2 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE,

qui garantissent à tout travailleur un droit effectif à des congés payés sans perte de droits, y compris en matière de rémunération variable (comme les heures supplémentaires).


Concrètement, les jours de congés payés doivent être assimilés à du temps de travail accompli dans le calcul du seuil déclencheur des heures supplémentaires, même en l’absence de disposition nationale explicite.


Cette décision marque un tournant jurisprudentiel historique, dans la lignée d’une série d’arrêts récents de la CJUE (notamment l’affaire DS c/ Koch, C-514/20). Elle rappelle une chose essentielle : les droits au repos et à une juste rémunération ne sont pas des variables d’ajustement budgétaire.


En excluant les congés payés du calcul des heures supplémentaires, certains employeurs profitaient de « semaines creuses » pour éviter de verser les majorations prévues par la loi. Cela revenait à pénaliser indirectement les salariés pour avoir exercé leur droit au repos, ce qui est totalement contraire à l’objectif de protection de la santé et de la sécurité au travail.


La Cour de cassation envoie ici un message limpide : le droit au congé ne peut entraîner un préjudice économique, même indirect. Et elle invite clairement les juridictions à inappliquer le droit national incompatible avec les droits fondamentaux européens, y compris en cas de litige entre deux personnes privées.


Dès maintenant, toute semaine comportant des jours de congés payés doit être considérée comme une semaine pleine pour déterminer si des heures supplémentaires ont été effectuées.


Ce point est fondamental lors de l'examen des bulletins de paie, des rappels d'heures, ou lors de contentieux relatifs aux conventions de forfait.


Les membres de CSE doivent s’emparer de cette décision pour demander des régularisations lorsqu’ils constatent des pratiques de minoration similaires chez leur employeur.


Dans un monde du travail de plus en plus fragmenté, où les droits sociaux sont parfois présentés comme des « coûts », cette décision est une bouffée d’oxygène. Elle rappelle que le progrès social commence par la reconnaissance pleine et entière du temps de repos — et que les droits des salarié·es n’ont pas vocation à s’effacer derrière la flexibilité économique.

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