Inaptitude d'un salarié : si le CSE est mal informé, le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse !
- SASD

- 25 sept.
- 3 min de lecture

Dans un arrêt du 16 mai 2025 (Cour d’appel de Toulouse, n° RG 23/02796), la justice vient de rappeler, avec force, qu’on ne peut pas se débarrasser d’un salarié inapte sans respecter scrupuleusement les droits du CSE. En effet, le licenciement d’une juriste de la Mutualité Sociale Agricole (MSA) a été jugé sans cause réelle et sérieuse… tout simplement parce que le CSE n’avait pas été suffisamment informé pour rendre un avis éclairé. Une victoire symbolique mais aussi financière, avec près de 48.000 € obtenus pour la salariée.
Retour sur une affaire emblématique.
Les faits
Une salariée, juriste depuis plus de 20 ans à la MSA, est victime d’un accident du travail en août 2020. Quelques mois plus tard, à l’issue d’un arrêt de travail prolongé, elle reprend en mi-temps thérapeutique, mais le 12 novembre 2020, le médecin du travail la déclare inapte à son poste.
Malgré des possibilités de reclassement évoquées, l’employeur déclare rapidement son impossibilité de reclasser la salariée, convoque cette dernière à un entretien préalable, puis prononce son licenciement pour inaptitude le 11 décembre 2020.
Rappel de la procédure
Saisi en décembre 2021, le Conseil de prud’hommes d’Albi rejette l’ensemble des demandes de la salariée en juin 2023. Pire : il la condamne à 500 € au titre de l’article 700.
Mais la Cour d’appel de Toulouse, elle, rétablit l’équilibre : elle infirme presque totalement le jugement de première instance, qualifie le licenciement de sans cause réelle et sérieuse, et condamne l’employeur à payer :
30.000 € de dommages-intérêts,
15.408,85 € d’indemnité compensatrice,
2.500 € au titre de l’article 700,
et au remboursement à France Travail des allocations chômage dans la limite de 3 mois.
La décision de la Cour d'appel de Toulouse
Tout repose sur un point essentiel : le droit du CSE à rendre un avis éclairé sur les possibilités de reclassement. Or ici, les juges relèvent que :
Les documents essentiels (fiches de poste, préconisations du médecin du travail…) ont été envoyés trop tardivement, parfois même après la réunion du CSE.
Le CSE lui-même s’est interrogé sur plusieurs éléments cruciaux (origine professionnelle de l’inaptitude, nombre inhabituel de licenciements, manque d'informations sur les postes proposés), ce qui démontre que son avis n’était ni éclairé ni réellement utile.
Résultat : le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse, sans même que la cour n’ait besoin d’analyser les autres manquements de l’employeur !
Cette décision est un signal fort : le droit du travail protège encore les salarié·es, même face à de grosses institutions comme la MSA. On ne peut pas se contenter d’un avis de façade du CSE, encore moins quand on se débarrasse d’un salarié malade, usé par le travail.
La Cour rappelle que l’information du CSE doit précéder la réunion, être complète, compréhensible, transparente. L’avis du CSE n’est pas une formalité, c’est une garantie.
Et surtout, la reconnaissance du lien entre accident du travail et inaptitude oblige l’employeur à verser une indemnité compensatrice, même en cas d’impossibilité de reclassement. Un point souvent contesté… mais ici tranché clairement.
Soyez vigilants sur les délais et contenus des consultations, notamment en cas d’inaptitude.
Exigez les fiches de poste, les préconisations du médecin, les possibilités réelles de reclassement dans l’ensemble du groupe, les efforts engagés par la direction pour reclasser le salarié...
Rédigez des avis motivés pour protéger le salarié… mais aussi pour documenter votre propre action en cas de contentieux.
Cette affaire est une démonstration éclatante de l’importance du dialogue social… mais aussi de la nécessité de le prendre au sérieux. Bravo à cette salariée pour avoir tenu bon, et aux juges pour avoir dit le droit avec justesse et fermeté.


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