La Cour de cassation impose le respect du repos compensateur, même après des heures de délégation !
- SASD

- 25 sept.
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Cette décision du 4 juin 2025 (pourvoi n°23-17.854) constitue une avancée précieuse dans la protection des représentants du personnel. Elle rappelle qu’un salarié en poste tournant, délégué syndical ou élu du CSE, doit bénéficier d’un repos quotidien intégral même après avoir utilisé ses heures de délégation syndicale. Un message fort envoyé aux employeurs tentés de rogner, au nom de l’organisation du travail, les droits fondamentaux des salarié·es protégés.
Les faits
Une salariée], embauchée en 1994 par une société en tant qu’agent de ligne décor, occupait au moment des faits la fonction de conductrice décor. Elle détenait plusieurs mandats : déléguée syndicale CGT et élue au CSE. Elle travaillait en horaires postés dans le cadre de la convention collective nationale de la fabrication mécanique du verre.
Alors qu’elle utilisait ses heures de délégation syndicale, l’employeur a considéré qu’elle pouvait reprendre le travail immédiatement après, sans bénéficier d’un repos équivalent à celui imposé entre deux postes. Pire : des sanctions disciplinaires lui avaient été adressées, dont une mise à pied !
La salariée a saisi les prud’hommes pour dénoncer ces pratiques discriminatoires et réclamer notamment un rappel de salaire au titre du repos compensateur, ainsi que des dommages et intérêts pour discrimination syndicale. La CGT est intervenue volontairement à la procédure.
La procédure
Par arrêt du 22 mars 2023, la Cour d'appel d’Amiens donne raison à la salariée et condamne l'employeur à lui verser les sommes demandées, en estimant qu'elle aurait dû bénéficier du même temps de repos après ses heures de délégation que si elle avait travaillé sur sa ligne de production. L’employeur se pourvoit en cassation, en soutenant que cette obligation ne s’applique qu’entre deux postes de travail effectifs, et non entre une délégation syndicale et un retour au poste.
La décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur. Elle affirme avec clarté que : « L’utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel ou le représentant syndical » (article L. 2143-17 du Code du travail)
La salariée travaillant selon un régime posté devait, en vertu d’un accord collectif interne, bénéficier d’un repos minimal de 16 heures entre deux prises de poste. Et cela vaut même après l’utilisation d’heures de délégation.
L’arrêt devient ainsi un jalon jurisprudentiel dans la protection du temps de repos des salarié·es mandaté·es.
Cet arrêt de la Cour de cassation est une barricade contre la discrimination syndicale rampante. Dans de nombreuses entreprises, les salarié·es élu·es ou mandaté·es sont poussés à surcharger leur emploi du temps pour ne pas « gêner le fonctionnement du service » ou pour « rattraper » les heures de délégation. Un non-sens juridique et humain.
En reconnaissant que les heures de délégation doivent être suivies du même repos que toute activité postée, la Cour fait triompher deux principes fondamentaux du droit du travail :
L’égalité de traitement des heures de délégation avec du temps de travail effectif ;
Le respect du droit au repos, corollaire du droit à la santé.
L’employeur tentait ici un glissement dangereux : régler ses comptes avec une élue syndicale engagée, en violant subtilement les règles du droit du travail sous couvert d’une lecture restrictive d’un accord collectif.
Par cette décision, la Cour de cassation rappelle que l’engagement syndical n’est pas un passe-droit pour l’entreprise, mais une protection constitutionnelle. Et que les droits des salarié·es mandaté·es ne sont ni relatifs ni négociables, surtout lorsqu’il s’agit de leur santé et de leur dignité.
Ce qu’il faut retenir pour les élus du personnel :
Les heures de délégation sont du temps de travail à part entière.
Si un salarié travaille en horaires postés, il doit bénéficier du même temps de repos après des heures de délégation que s’il avait été à son poste.
L’employeur ne peut pas contourner les accords collectifs pour pénaliser un représentant du personnel.
Les juridictions sanctionnent toute tentative de discrimination syndicale, même indirecte.


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