Même licencié pour faute grave, un salarié a droit à la dignité !
- SASD

- 10 oct.
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Par un arrêt du 1er juillet 2025 (pourvoi n°24-14.206), la Cour de cassation rappelle un principe essentiel, trop souvent oublié par les employeurs : on peut licencier un salarié pour faute grave sans pour autant le traiter avec brutalité ou humiliation. En d'autres termes, même fondé, un licenciement ne peut être vexatoire. Cette décision ouvre une brèche bienvenue pour les salarié·es victimes de méthodes de gestion dégradantes, et permet de réclamer réparation pour le préjudice moral causé par la manière dont ils ont été licenciés.
Les faits
Un salarié,, maçon, est embauché le 3 juin 2019 par une société de travaux publics. Le 10 novembre 2020, à la suite d’une altercation, il déclare un accident du travail.
Quelques jours plus tard, il est convoqué à un entretien préalable, mis à pied à titre conservatoire, puis licencié pour faute grave le 25 novembre 2020.
Le salarié saisit alors le conseil de prud’hommes, invoquant notamment la nullité du licenciement (intervention pendant un arrêt lié à un accident du travail), et à défaut, son caractère brutal et vexatoire, réclamant à ce titre des dommages-intérêts distincts de ceux liés à la perte de l’emploi.
Rappel de la procédure
Par un arrêt du 12 décembre 2023, la Cour d’appel de Colmar valide le licenciement pour faute grave. Mais surtout, elle rejette la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, estimant que dès lors que la faute grave est avérée, il ne saurait y avoir de brutalité ou de vexation à licencier.
Le salarié se pourvoit en cassation, en rappelant que le préjudice moral causé par les circonstances d’un licenciement peut exister indépendamment de la cause du licenciement, et être indemnisé.
La décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt d’appel, en rappelant un principe pourtant bien établi : « Même lorsqu'il est justifié par une faute grave, le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation. » (article 1231-1 du Code civil).
En refusant de rechercher si les circonstances de la rupture avaient été humiliantes ou brutales, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale.
L’affaire est donc renvoyée devant une autre Cour d’appel, celle de Metz, pour un nouvel examen sur ce point.
Cette décision est une bouffée d’oxygène pour tous ceux qui, au-delà de la rupture du contrat, subissent la violence psychologique des méthodes employées par certains employeurs.
Mettre à pied un salarié, le convoquer de manière expéditive, le licencier en lui jetant à la figure des accusations humiliantes, le faire raccompagner par un vigile, ou le priver brutalement de ses outils de travail, ce sont des pratiques malheureusement courantes dans certaines entreprises, même quand la faute est établie.
La Cour rappelle ici que le respect de la dignité humaine est un droit fondamental, y compris pour les salarié·es fautifs.
Cette jurisprudence :
Brise l’impunité managériale : l’employeur ne peut plus se cacher derrière la "faute grave" pour se livrer à des comportements humiliants.
Rétablit un équilibre entre le pouvoir disciplinaire de l’employeur et le droit au respect du salarié.
Reconnaît un préjudice moral spécifique, distinct de la perte d’emploi.
À retenir pour les élu·es du personnel et les salarié·es :
La faute grave ne justifie pas tout : le salarié reste un être humain, qui mérite d’être traité avec respect.
Un licenciement peut être légitime mais mené de façon vexatoire : ce préjudice moral est indemnisable.
Il appartient aux juges de rechercher les circonstances concrètes de la rupture (ton employé, propos tenus, délai de notification, pression…).
Cette décision est un levier stratégique pour les élus, notamment en cas de ruptures successives ou brutales dans l’entreprise.


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