Dernière mise à jour : 19 sept.
Introduction : Qu'est-ce que l'indemnité de rupture conventionnelle ?
L'indemnité spécifique de rupture conventionnelle est la somme d'argent que vous percevez lorsque vous mettez fin à votre contrat de travail d'un commun accord avec votre employeur. Son montant est le fruit d'une négociation entre les deux parties. Cependant, cette négociation n'est pas totalement libre : la loi impose un montant minimum obligatoire pour protéger le salarié. C'est l'article L 1237-13 du Code du travail qui fixe cette règle fondamentale, en établissant un lien direct avec l'indemnité légale de licenciement. Pour bien comprendre votre droit, il est donc essentiel de maîtriser le calcul de ce plancher minimum.
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1. Le Principe Fondamental : L'Indemnité Légale de Licenciement comme Plancher Minimum
La règle de base, inscrite dans l'article L 1237-13 du Code du travail, est simple et claire : l'indemnité de rupture conventionnelle ne peut jamais être inférieure à l'indemnité que vous auriez touchée si vous aviez été licencié(e). C'est le socle de toute négociation.
Le montant de votre indemnité de rupture conventionnelle doit être, au minimum, égal à celui que vous auriez touché en cas de licenciement.
La formule de calcul de l’indemnité légale de licenciement (Code du travail, art. R1234-2) est la suivante :
🔹 Condition préalable :
Avoir au moins 8 mois d’ancienneté ininterrompue dans l’entreprise (CDI).
Ne pas avoir été licencié pour faute grave ou faute lourde.
📌 Formule de calcul
¼ de mois de salaire brut par année d’ancienneté pour les 10 premières années.
⅓ de mois de salaire brut par année d’ancienneté à partir de la 11ᵉ année.
📌 Salaire de référence
Le salaire brut de référence est le plus favorable entre :
La moyenne mensuelle des 12 derniers mois précédant le licenciement (primes incluses),
La moyenne mensuelle des 3 derniers mois (en y intégrant prorata les primes ou gratifications annuelles).
👉 Exemple rapide : Un salarié avec 12 ans d’ancienneté et un salaire de référence de 2 000 € brut/mois :
10 premières années : 10 × ¼ × 2 000 = 5 000 €
2 années suivantes : 2 × ⅓ × 2 000 = 1 333 €
➡️ Indemnité légale = 6 333 €

Il est crucial de comprendre que la référence est bien l'indemnité légale de licenciement de droit commun. Par exemple, la Cour de cassation a jugé (Cass. soc. 3-6-2015) que même les journalistes, qui bénéficient d'une indemnité légale de licenciement spécifique normalement plus élevée, doivent se baser sur l'indemnité légale de droit commun pour le calcul du minimum de la rupture conventionnelle. Cela signifie que le plancher de la rupture conventionnelle ignore les régimes légaux spécifiques plus favorables.
Ce plancher légal n'est cependant qu'une première étape, car votre convention collective peut prévoir des dispositions plus favorables.
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2. L'Impact de votre Convention Collective : Un Plancher Souvent Plus Élevé
Si votre convention collective prévoit une indemnité de licenciement d'un montant supérieur à l'indemnité légale, c'est ce montant, plus avantageux pour vous, qui devient le nouveau plancher minimum obligatoire pour votre indemnité de rupture conventionnelle.
Suite à un avenant du 18 mai 2009, cette obligation s'applique à la grande majorité des employeurs. Toutefois, il faut savoir que certains secteurs peuvent y échapper, notamment l'agriculture, les professions libérales, la presse ou encore le secteur associatif.
Le tableau ci-dessous synthétise les deux planchers possibles :
Situation du salarié | Montant minimum de l'indemnité |
La convention collective ne prévoit rien ou un montant inférieur à l'indemnité légale. | L'indemnité légale de licenciement. |
La convention collective prévoit une indemnité de licenciement supérieure à l'indemnité légale. | L'indemnité conventionnelle de licenciement. |
Cas particulier : plusieurs indemnités dans votre convention collective.Si votre convention collective prévoit différentes indemnités (par exemple, une pour motif personnel et une autre, plus élevée, pour motif économique), l'administration (Inst. DGT 2009-25) demande de retenir l'indemnité conventionnelle la plus faible comme plancher minimum, à condition qu'elle reste supérieure au minimum légal.
Conseil d'expert : Attention, il s'agit d'une position administrative destinée à guider les services de l'État pour l'homologation de votre rupture. Comme le précise la source de cette instruction, « la position de l'administration ne préjuge en rien des décisions de tribunaux ». Cela signifie que vous conservez un argument solide pour négocier un montant basé sur l'indemnité la plus favorable, et qu'une contestation en justice sur ce point resterait possible.
Maintenant que les planchers minimums sont clairs, voyons comment s'effectue le calcul sur des bases concrètes.
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3. Le Calcul en Pratique : Salaire de Référence et Ancienneté
3.1. Déterminer votre salaire de référence
La base de calcul de votre indemnité est identique à celle utilisée pour l'indemnité légale de licenciement. Pour déterminer votre salaire de référence, il faut comparer deux méthodes et retenir la plus avantageuse pour vous (Circ. DGT 2009-5) :
• Soit la moyenne des 12 derniers salaires bruts mensuels précédant la date de signature de la convention.
• Soit la moyenne des 3 derniers salaires bruts mensuels précédant la date de signature de la convention.
Attention, si vous avez perçu des primes ou des sommes à caractère exceptionnel durant cette période, elles doivent être intégrées au calcul mais lissées au prorata pour ne pas fausser la moyenne.
3.2. Calculer votre ancienneté
La règle est cruciale : l'ancienneté à prendre en compte est celle que vous aurez acquise à la date prévue de la rupture effective de votre contrat, et non à la date de la signature de la convention (Cons. prud'h. Bobigny 6-4-2010). Il est également essentiel de souligner que les années incomplètes doivent être prises en compte dans le calcul de l'indemnité.
Point de vigilance : le décalage entre la signature et la rupture effective
Un délai s'écoule toujours entre la signature de la convention et la date de fin de votre contrat. Or, les calculs du salaire de référence et de l'ancienneté sont basés sur des chiffres arrêtés au moment de la signature, mais qui doivent être valides à la date de rupture. La circulaire administrative (Circ. DGT 2009-5) est très claire sur ce point : il vous revient, en tant que salarié, de vérifier que les salaires que vous percevrez entre la signature et la rupture effective ne modifient pas en votre défaveur la base de calcul de l'indemnité. Par exemple, une baisse de la partie variable de votre rémunération durant cette période pourrait rendre le calcul initial erroné. Soyez donc particulièrement attentif à ce point de contrôle.
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4. Les Cas Particuliers à Connaître
4.1. Vous avez moins d'un an d'ancienneté
La situation des salariés ayant moins d'un an d'ancienneté est complexe et a fait l'objet d'interprétations divergentes. Une cour d'appel a pu considérer qu'une indemnité nulle était possible (CA Montpellier 1-6-2011), une décision jugée « étonnante » car la loi prévoit bien une indemnité.
Face à cette incertitude, la pratique à retenir est celle recommandée par l'administration (Direction Générale du Travail). Selon elle, l'indemnité est bien due et doit être calculée au prorata du nombre de mois de présence(Circ. DGT 2009-5).
• Exemple concret : Pour un salarié avec 7 mois d'ancienneté, le calcul est : (salaire brut mensuel moyen) x (1/4) x (7/12).
Il est à noter que l'administration peut aussi adopter une approche pragmatique : une convention a ainsi été homologuée car l'indemnité négociée était « nettement supérieure » à l'indemnité légale (qui aurait été de zéro), sans suivre un calcul au prorata strict (Cons. prud'h. Le Havre 30-10-2008).
4.2. Vous avez travaillé à temps plein et à temps partiel
Si votre carrière dans l'entreprise a alterné des périodes de travail à temps plein et à temps partiel, le calcul de l'indemnité doit en tenir compte. Il doit être effectué proportionnellement à ces différentes périodes, en suivant les mêmes règles que pour le calcul de l'indemnité légale de licenciement (Cons. prud'h. Valence 6-11-2008).
4.3. Que se passe-t-il si l'indemnité versée est inférieure au minimum ?
Si, après vérification, vous constatez que l'indemnité proposée ou versée est inférieure au minimum légal ou conventionnel, quelles sont les conséquences ? La Cour de cassation (Cass. soc. 8-7-2015) a clarifié plusieurs points :
• La rupture n'est pas automatiquement annulée. Le simple fait que le montant soit insuffisant ne suffit pas à invalider la convention.
• Vous pouvez réclamer un complément. Vous êtes en droit de saisir le juge pour obtenir le versement de la différence qui vous est due.
• L'annulation pour ce seul motif est difficile. Pour faire annuler la convention sur cette base, il faudrait prouver que votre consentement a été vicié ou qu'il y a eu une fraude, ce qui est complexe à démontrer.
Point de vigilance : Cependant, l'annulation n'est pas impossible. Une cour d'appel (CA Toulouse 29-6-2012) a jugé qu'une convention prévoyant une indemnité inférieure au plancher n'aurait jamais dû être homologuée par l'administration. Elle a donc annulé la rupture et l'a requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui ouvre droit à des dommages et intérêts bien plus importants pour le salarié. Cette décision montre qu'une contestation peut aboutir, même si la voie principale reste la demande d'un complément d'indemnité.
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5. Synthèse : Les 3 Points Clés à Vérifier
Avant de signer une convention de rupture, il est impératif de vous assurer que vos droits sont respectés. En vous basant sur les éléments de ce guide, concentrez votre attention sur les trois points de contrôle suivants :
1. Vérifiez le plancher minimum : Votre indemnité ne peut jamais être inférieure à l'indemnité légale de licenciement. C'est le socle non négociable.
2. Consultez votre convention collective : Si elle prévoit une indemnité de licenciement plus élevée, c'est ce montant qui devient votre nouveau plancher minimum. Ne passez pas à côté de ce droit.
3. Contrôlez le calcul final : Assurez-vous que l'ancienneté est bien calculée jusqu'à la date de fin effective de votre contrat et que le salaire de référence retenu est le plus avantageux pour vous (moyenne sur les 3 ou les 12 derniers mois). Surtout, vérifiez que les salaires perçus après la signature ne viennent pas diminuer cette base de calcul.


